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Yann Sérandour

Vivement lundi !

À la télévision, les chaînes musicales programment souvent des émissions dont l’objet est la rencontre d’une vedette et de son fan. Dans ce face à face, la distance qui structure cette relation complémentaire est abolie et la confusion des positions produit souvent des situations cocasses. Que Yann Sérandour soit un fan des artistes sur les œuvres desquels il élabore en partie sa pratique, cela ne fait aucun doute. BHKW, Le petit badge crée à partir d’une photographie représentant des artistes conceptuels [1] en témoigne à sa façon. Pratique postmoderne enthousiaste plutôt que critique ou cynique, c’est dans la différence des écarts par rapport aux références convoquées qu’une partie du travail montré ici trouve sa pertinence.
Ainsi, certaines pièces, telle Titled (Art as idea as idea) [Kosuth], un agrandissement d’une notice biographique de Kosuth réalisé sur le modèle des photostat de la fin des années 60, réduisent les œuvres dont elles s’inspirent à de simples signes qui rassurent le visiteur postmoderne sur sa culture visuelle. Cette circularité du dispositif que l’on retrouve dans le grand tirage Le Code du Petit Beurre LU, relu (suggestion de présentation) qui représente un paquet de Petits Beurres avec le code barre ondulant dessiné par Hains, produit des pièces assez légères. À l’inverse, la pièce constituée de 36 volumes de Specific & General Works de Lawrence Weiner pour lesquels Yann Sérandour a pensé un statement supplémentaire intitulé « une aiguille dans une botte de foins » est une tentative d’intégration à un corpus existant assez réussie. La dimension critique laisse ici la place à la volonté fusionnelle du fan qui prolonge ainsi un travail conceptuel qu’il admire. La ressemblance formelle ne dénote pas d’une filiation mais est une condition d’inscription. Un intérêt supplémentaire de ce travail tient dans l’acceptation ou non par les artistes visés de cet insert au sein de leur œuvre. À ce titre, la réception de Thirtysix Fire Station est emblématique
 [2]. Cet intérêt pour des dispositifs d’intégration se retrouve dans le choix des objets qui ornent les vitrines murales du premier étage où se mêlent objets trouvés dans les placards du CNEAI et éditions d’artistes. Signe d’une évolution Vivement lundi ! un collage réalisé à partir des lettres d’imprimeries issues d’un exemplaire du « journal du Dimanche » publié par Yves Klein avec en une le saut dans le vide, est intéressant en cela qu’il sacrifie l’intégrité de l’original pour exister.
L’œuvre de Yann Sérandour peut-elle exister de manière autonome ? Bien sûr et les derniers travaux en témoignent ! À côté de ces pièces référencées, l’attention portée à la décoloration de la couverture du catalogue Feux Pâles appartenant à la Bibliothèque Kandinsky, la correction apportée à un défaut de l’illustration d’un article consacré à Kosuth dans un dictionnaire artistique, le référencement de pages blanches, montrent que le livre tient une place importante, sinon centrale dans ce travail [3].

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[1Photographie de Seth Siegelaub datant de 1969 représentant Robert Barry, Douglas Huebler, Joseph Kosuth et Laurence Weiner et épinglé sur l’un des murs du CNEAI

[2Ouvrage conçu sur le modèle des petites éditions d’Edward Rusha que celui-ci a accepté d’échanger contre deux originaux. L’ensemble est désormais présenté côte à côte.

[3Yann Sérandour est d’ailleurs l’auteur d’une thèse intitulée Lecteurs en série. Enquête sur un profil artistique contemporain sous la direction de M. Leszek Brogowski, soutenue en novembre 2006 à l’université de Rennes 2, il y analyse la figure de l’artiste lecteur et bibliophile.



Aurélien Mole 2007© courtesy Art21