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Espace privé SPIP

Clouds in the Cave

Florian Auer, Neïl Beloufa, Alan Bogana & Marta Riniker-Radich, Carmen Gheorghe, Aurélien Mole & Syndicat, Artie Vierkant, Phillip Zach
27.02 — 03.05.15
Commissariat : Sylvain Menétrey

Fri Art
Centre d’art de Fribourg
Petites-Rames 22
Case postale 582
CH-1701 Fribourg


Les médias constituent le principal mode de réception de l’art par le public. Cette situation est allée de pair avec le développement des mass-médias depuis les années 1950. En raison de leur fonctionnement en réseau, les nouveaux médias ont intensifié ce mode de transmission, quiconque étant désormais à la fois récepteur, producteur et disséminateur d’information, autrement dit, un opérateur médiatique.
Poussant cette logique jusqu’à l’extrême afin de la questionner, Clouds in the Cave se fonde sur le constat provocant qu’une exposition ne serait qu’un prétexte à produire des images et non plus un moyen de sanctifier des objets selon la logique propre à l’ère industrielle qui perdure dans les musées.
Le premier étage de Fri Art est transformé en un dispositif qui fait référence à un studio de photographie où un fond blanc permet de faire disparaître angles et arêtes afin de donner l’illusion d’un vide dans lequel les objets semblent flotter. Le white cube se mue alors en white box. Les conditions de la future mise en page de l’exposition sont ainsi amplifiées. Le regard du spectateur s’assimile dès lors à celui du photographe. Il voit une succession d’images qui se recombinent au fur et à mesure de sa déambulation.
Cette circulation des expositions et des œuvres sous formes d’images n’est pas sans influence sur leur conception. Dans son texte My Work for Magazine Pages, Dan Graham remarquait ceci : « Lors de mon expérience de galeriste, j’ai appris que si une oeuvre n’avait pas bénéficié de textes critiques et de reproduction, elle avait du mal à être reconnue comme de l’art. Il semblait que pour qu’une œuvre soit définie comme ayant une valeur artistique, il fallait qu’elle soit exposée dans une galerie, qu’on écrive à son propos et qu’elle soit reproduite sous la forme d’une photographie dans un magazine. » [1] La valeur artistique et par conséquent économique d’un objet dépend de son contexte mais aussi de sa médiatisation. Dans le modèle du réseau, cela implique qu’une exposition et une œuvre doivent être performantes pour accéder aux bonnes plateformes et agréger les clics et les mentions « j’aime ». La photogénie devient une condition essentielle du succès.
Clouds in the Cave présente une série d’œuvres dont on pourrait dire que, si elles étaient des sujets, elles seraient « conscientes » d’être photographiées. Loin de s’asservir totalement aux impératifs photographiques, certaines « jouent » avec l’objectif en cherchant à faire mentir l’image qu’on tirera d’elles. Par exemple, le travail collectif de Marta Riniker-Radich et d’Alan Bogana reproduit avec des adhésifs sur les colonnes de la salle - dernier élément d’architecture qui subsiste dans un espace sans repère tridimensionnel - le reflet d’un événement fictif que le spectateur de la seule photographie d’exposition imaginera comme ayant lieu dans le hors-champ de l’image.
Florian Auer et Carmen Gheorghe proposent eux aussi un travail collaboratif qui questionne la sculpture et son rapport à la photographie. Le premier présente une série de maillots de sport qui semblent flotter dans l’air telles des hologrammes ou des reliques d’un match de football en réalité augmentée. Comme des suaires ou des photogrammes en trois dimensions, les maillots conservent l’empreinte de corps absent. Au sol, Carmen Gheorghe trace l’image d’un volume géométrique vertical en sable scintillant. Selon l’angle de vue, le dessin au sol et le faux hologramme dans l’espace se combinent pour donner l’image d’une sculpture posée sur son socle, rappelant les œuvres de Brancusi. L’artiste roumain se plaisait d’ailleurs à mettre en scène ses sculptures dans de nombreuses photographies et des films afin de les animer, de magnifier leurs surfaces et de susciter des émotions.
Allant jusqu’au bout de la logique de l’exposition, la proposition de Phillip Zach se détache de l’espace physique pour se loger uniquement dans le travail de documentation photographique de l’exposition, par l’intermédiaire d’une distorsion dans ces images. L’exposition sera dès lors également immédiatement visible sur le site internet du centre d’art afin de permettre au spectateur d’expérimenter et de déjouer les pièges qui s’offrent à sa perception dans un aller et retour entre l’espace physique et l’écran.
L’ensemble peut se lire comme un théâtre d’ombres, une caverne de Platon, où pour paraphraser Jean Baudrillard, les simulacres ne cachent pas une vérité, mais constituent la seule réalité.

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[11 In Gary Dufour, Dan Graham (catalogue d’exposition), Perth, Art Gallery of Western Australia, 1985.



Avec le soutien de :

AGGLO Fribourg
La Ville de Fribourg
La Loterie Romande
Etat de Fribourg
Fondation Nestlé pour l’art
Pro HelvetiaFondation Curt & Erna Burgauer